Louise Robert
Designer participatif
« Si je devais résumer mon engagement en tant que designer, c’est transmettre quelque chose auquel je crois, par tous les moyens possibles »
Parcours
Louise a emprunté différentes voies académiques qui font aujourd’hui la force de son parcours. Après son BAC, elle commence un cursus en droit (après une courte année en école de commerce) puis s’oriente vers un Master 2 en urbanisme à l’Institut d’Urbanisme de Paris. Elle y perçoit déjà son appétence pour la communication visuelle et les questions de concertation publique : son premier mémoire porte sur les nouvelles formes de la concertation publique et le deuxième sur la communication de projets urbains à Berlin. Après un « demi-cours » d’initiation au logiciel InDesign, elle commence à mettre en page tous les documents de ses camarades de classe, son goût pour le graphisme s’affirme.
A sa sortie d’école, Louise fait un stage en concertation publique, puis rejoint une agence de communication spécialisée en urbanisme, Urban Rhapsody. Elle travaille notamment pour Plaine Commune Développement et apprend le métier de chargée de communication sur le tas : écrire des contenus, tenir des budgets et des délais, faire les briefs pour les graphistes… mais Louise se rend rapidement à l’évidence : c’est moins la communication que le graphisme qui lui plaît.
Elle décide alors d’intégrer la Fonderie de l’Image, une école de design graphique à Bagnolet, pour une année de Bachelor en alternance afin de valider ses acquis. Chez Urban Rhapsody, elle passe de chargée de communication à graphiste. Dans son école, un de ses professeurs, Jean-Marc Bretegnier (Fabrication Maison) éclaire son parcours. Louise, qui pensait se réorienter, comprend que son cheminement est cohérent et qu’elle va pouvoir utiliser ses connaissances passées. Plus âgée que les autres étudiants, elle échange beaucoup avec ses professeurs, qui la mettent en relation avec une chercheuse travaillant sur la ville sensible. S'enchaînent alors de nombreuses rencontres et projets fertiles qui confortent Louise dans son parcours. Elle remporte ainsi le concours d’affiche organisé par son école pour les Puces Typos et gagne une place pour les rencontres de Lures, une semaine de conférences autour de la typographie et de la culture graphique. Cela lui permet de prendre du recul sur sa pratique, de l’enrichir et de comprendre là où elle veut aller.
En parallèle, Louise rejoint l’association bénévole Sur-Mesure, une revue sur l’urbanisme fonctionnant sur un mode d’appel à contribution, pour laquelle des chercheurs, designers, photographes, particuliers… etc. sont invités à partager leur point de vue sur une thématique donnée. En plus de la revue papier, les articles sont diffusés sur le site en libre accès et l’équipe organise régulièrement des ateliers, pour lesquels Louise développe différents outils et méthodes.
Louise quitte peu de temps après son agence de communication et intègre l’agence d’urbanisme Ville Ouverte dans laquelle elle travaille aujourd’hui. Sa formation initiale lui permet d’avoir plus de crédibilité (même si Louise ajoute avec humour que le fait de connaître les rouages de l’urbanisme peut parfois la freiner - « ça va pas passer » dit-elle), avec au cœur de sa méthode la participation des habitant·es.
C’est quoi un « designer graphique et participatif » ?
« J’ai pris des notes » s’amuse Louise. Le métier de Louise consiste à concevoir et à mettre en œuvre des méthodes et outils de concertation dans le cadre de projets urbains participatifs. Louise est souvent présente à la stratégie, en amont, pour savoir quand les habitants vont être intégrés, quel récit va être mis en place… Elle se projette ensuite dans des formes et imagine la manière concrète dont la démarche va se réaliser dans un quartier. Elle réfléchit également beaucoup aux méthodes, à la manière de rationaliser les choses, de capitaliser sur ce qui a déjà été fait, de créer des outils réplicables, des systèmes modulables, etc. Louise clarifie la pratique de ses collaborateurs urbanistes qui, en quelque sorte, « on toujours fait du design sans le savoir vraiment. »
Elle crée également des supports de communication et de médiation institutionnels et opérationnels afin de décloisonner les projets urbains. Récemment, elle a travaillé sur des dispositifs d’activation et d'interpellation dans l’espace public, en collaborant avec une collègues designer d’espace, afin d’investir l’espace public et de mettre en place des dispositifs plus visibles : marquages au sol, petits mobiliers, supports d’expression…
Louise travaille aussi sur la communication globale de l’agence.
L’apport du graphisme dans les projets urbains
Louise a dû montrer à son équipe que la communication, ce n’est pas « un gros mot ». Aujourd’hui, ses collègues prennent beaucoup de plaisir à utiliser les outils qu’elle crée avec eux, des outils qui sont également très appréciés par les publics
« Le graphisme, c’est montrer qu’on prend soin des publics auxquels on s’adresse. C’est important de faire quelque chose de joli, de mettre de la couleur. Il y a un côté esthétique à assumer. (…} Et puis je contrains énormément mes collègues urbanistes trop prolixes. Je leur fournis des gabarits assez stricts. Je leur dis ce dont j’ai besoin : un « zoom sur », un schéma, un visuel, un chapeau, etc. Je pense à la forme et cela induit le fond. Autrement, on envoie un message qui dit aux gens « laissez tomber, vous ne comprendrez jamais rien… » Là au moins on ne fait pas semblant d’essayer. »
Le Covid a aussi amené beaucoup de réflexions au sein de l’agence sur ces questions : Comment inciter les publics à partager leurs avis ? Comment toucher un public qui n’a pas l’habitude de ces questions ? Qui n’a pas envie ou qui n’a pas le temps d’aller à une réunion un mercredi à 17h ? L’idée étant de sortir la concertation de la simple « salle polyvalente ».
Interlocuteurs et échanges avec le public
Dans son quotidien, Louise travaille surtout avec des collectivités (mairie, communauté d’agglomération, etc.).
Lorsqu’elle échange avec le public, Louise essaye de respecter au maximum le degré de confort des personnes dont elle souhaite obtenir les avis et essaie de créer un climat de confiance et d’écoute. Par exemple, lorsqu’elle conçoit un dispositif dans l’espace public, elle pense à une approche en plusieurs étapes : un panneau d’information d’abord, pour que les personnes se sentent libres ou non de venir découvrir le travail qui est en train d’être mené ; Ensuite, un support plus engageant avec des post-it à coller par exemple ; Enfin la possibilité d’un échange plus poussé sous la forme d’un atelier avec des outils disposés sur la table, etc. (Louise évoque notamment deux projets : un sondage à destination des plus jeunes fait au moyen de trois jarres de grenadine, ainsi que la mise en place d’une « hotline du futur » encourageant les habitants à appeler un interlocuteur de 2050 afin d’imaginer leur quartier idéal). L'idée est donc d’intéresser les publics et d’avoir leurs témoignages avant de les faire entrer dans une salle. Ainsi, l’agence organise également des réunions publiques, des ateliers (design fiction, création de personas, design prospectif, carte postale), mais aussi des balades urbaines, des podcasts, des questionnaires en ligne, ou encore des chasses au trésor pour les enfants.
En termes de communication, Louise et son équipe sont souvent obligés de s’adosser au service communication de la ville dans laquelle ils interviennent. Ils essaient parfois d’utiliser d’autres canaux (mails, contact d’associations, réseaux sociaux dont Instagram) mais leurs projets ne sont pas toujours situés dans la même ville ou dans la même région que leurs locaux. Ce sont donc des questions auxquelles ils réfléchissent en permanence (Trouver des ambassadeurs dans la ville ? Une base relai fixe ?), et un véritable enjeu pour l’année 2022.
Quelques projets
Son engagement et ses envies pour le futur
Concernant son engagement, c’est surtout au travers de son activité de formatrice à la Fonderie de l’Image que Louise transmet ses convictions aux générations futures. Un engagement par la transmission, comme avec le graphisme où elle transmet des messages. Son engagement se retrouve également avec la revue Sur-Mesure.
« Si je prends un peu de recul, si je devais résumer mon engagement en tant que designer, c’est transmettre quelque chose auquel je crois, par tous les moyens possibles, à la fois dans mon travail, en design, en édition, chez Sur-Mesure, en atelier, en cours, aujourd’hui avec vous aussi… C’est aussi faire avec les gens, et si on passe un bon moment, c’est déjà pas mal ».
Louise s’est récemment installée au Havre et elle aimerait plus s’investir dans sa nouvelle ville, se rapprocher de collectifs locaux et pourquoi pas donner des cours ici aussi. La revue Sur-Mesure se tourne également vers de nouveaux horizons. Louise rêve d’ouvrir un corner de revues indépendantes, ou un dépôt dans une librairie du coin. A bon entendeur…
Un conseil pour les jeunes designers ?
« De mon expérience, il faut oser aller regarder où ça vous intéresse, tout le temps. Même si on a l’impression que ça nous retarde, il faut se faire confiance pour qu’à un moment ça s’aligne. Il ne faut jamais avoir l’impression que ça n’a pas de rapport. Je pense que ça a particulièrement de la valeur, ça permet de se démarquer, d’être identifié. On peut penser que c’est une niche, mais dans un flot immense de designers, d’avoir son truc à soi, sa conviction, c’est ça… Tu trouves le fil, tu tires dessus et au bout du compte ça s’aligne. »