Marie-Julie Catoir-Brisson
Designer
'' Ne jamais réduire la complexité de l'humain"
QUI EST-ELLE ?
Marie-Julie Catoir-Brisson est Maîtresse de Conférences en Design et Communication à l' Université de Nîmes.
Marie-Julie a eu un parcours atypique aux pratiques transversales. Elle a toujours été curieuse de tout, c'est pour cela qu'elle a débuté ses études par une classe préparatoire littéraire aux grandes écoles. Ensuite, elle a rejoint l'IUP de Bordeaux (ISIC) pour une formation en création audio-visuelle.
Pour la créatrice, la vidéo est son moyen d'expression de prédilection. Elle débute son apprentissage par le montage, l'une de ses étapes préférées, c'est pour elle la deuxième naissance d'un film.
Par la suite, elle se spécialise dans le documentaire de création. Elle se forme aussi à la production audio-visuelle. Ces différentes casquettes permettent à Marie-Julie d'expérimenter et de pratiquer tout au long de ses études. C'est une réelle passion pour l'image, la narration et le cinéma qui l'a poussé dans cette voie.
Lors de son master qui traite la question du lien entre image et société, elle rédige un mémoire sur la représentation de la diaspora tzigane dans les film d' Emir Kusturica & Tony Gatlif. Un sujet qui la passionne et qu'elle approfondit lors de la réalisation de son film de fin de diplôme sur La place des Roms à Bordeaux.
Ce mémoire fait éclore un réel engouement pour la recherche. Elle poursuit alors par une thèse sur l'hybridation culturelle, en se concentrant sur le cinéma mexicain contemporain et s’intéresse à l'identité culturelle des films réalisés par des mexicains, mais qui on été financés et négociés avec des productions européennes et/ou nord-américaines.
C'est à cette période qu'elle se questionne sur les transformations opérées par le numérique. La métamorphose des écrans, leurs multiplications et leurs invisibilisations sont des sujets qui l'interpellent profondément. Elle rejoint alors une équipe de chercheurs à Bordeaux avec qui elle écrit sur notre rapport à l'informatique ubiquitaire (troisième ère de l'histoire de l'informatique, qui succède à celle des ordinateurs personnels et centraux) avec une vision techno-critique sur les technologies et expériences proposées par les GAFAM notamment. Elle découvre le curieux Chris Dancy, ''l'homme le plus connecté au monde'' et cela l'interpelle au point de mettre en relief la distinction entre innovations technologiques (dont l'informatique ubiquitaire fait partie) et innovations sociales et numériques (dans lesquelles le numérique est mis au service du bien commun). L'objectif étant de proposer une éthique créative des technologies comme une alternative au design d'interaction visant à réduire l'être humain à ses comportements informationnels.
Mais de ses recherches, Marie-Julie a envie de passer elle aussi à l'action. Elle se sent avant tout citoyenne et souhaite diffuser davantage ses connaissances, mais aussi réfléchir à des solutions. C'est à ce moment charnière que Marie-Julie mêle sa pratique des sciences de l'information-communication au design.
Le design
Marie-Julie, se sent designer et chercheuse, elle a un statut hybride où toutes ses expériences lui permettent de faire des ponts entre les différentes disciplines. Elle a toujours été passionnée par la sémiologie et l’anthropologie, et donc par le lien entre le réalisateur et le spectateur. Dans le design ce qu' elle apprécie particulièrement, c'est le lien entre le designer et l'usager.
En tant que chercheuse en sciences de l'information-communication, elle a développé un langage commun avec le design. Effectivement, elle s'offusque lorsque la communication est réduite au marketing, en rappelant l'objectif politique et l'étymologie de la communication : ''créer du commun''. Autre point d'ancrage avec le design, une sensibilité commune sur l'artefact pour créer du dialogue, prenant l'exemple du lien entre la médiation qui crée du lien social et la médiatisation, qu'elle définit comme la scénarisation des contenus médiatiques pour développer ce lien social. Elle remarque aussi que la vidéo est un outil dont les designers se saisissent de plus en plus, et apprécie particulièrement de pratiquer ce média en dialogue avec eux.
Aujourd'hui dans ses nouvelles pratiques professionnelles, elle souhaite continuer ses recherches et ses critiques, mais aussi mettre en valeur les travaux d'autres designers et entrepreneurs aux projets innovants socialement et bien sûr co-concevoir des solutions dans des équipes interdiscipli
Le projet Som'Health
Depuis, son arrivée à la Faculté de design de Nîmes, Marie-Julie développe un programme de recherche intitulé "Design et santé connectée" où elle fait le choix de placer l’humain avant la technologie. Au sein de ce programme, elle coordonne le projet Som'Health (Sommeil et Santé).
Le projet part d'un constat, sur les problèmes de prise en charge des patients insomniaques, un réel dysfonctionnement dans le parcours de soin des patients souvent ''éclaté''. Dans ce projet, les designers et chercheurs se questionnent sur la manière dont le design de technologies mobiles de santé peut conduire à repenser le parcours de soins des patients, en facilitant la coordination et la communication de toutes les parties prenantes.
Cette recherche-projet lui permet de développer une recherche participative en s'appuyant sur les besoins et aspirations des patients et professionnels de santé et du soin, tout en donnant une réponse à la question de recherche par la pratique du projet en design social.
Ce projet est développé avec deux médecins somnologues du centre Unité sommeil du CHU de Nîmes avec le Dr Beatriz Abril et le Dr Gauthier Brisson.
Le projet a débuté depuis maintenant plus de 3 ans avec chaque année de nouveaux étudiants en design et designers professionnels qui accompagnent Marie-Julie dans ce projet en équipe. Avec à chaque fois un travail d'observations, d'entretiens et d'ateliers participatifs. Aujourd'hui, l'équipe développe un prototype d'application ainsi que le montage d'une structure associative.
Marie-Julie est convaincue qu'il est possible d'améliorer la prise en charge du patient grâce au numérique, mais uniquement si c'est bien encadré et intégré dans un réseau d'acteurs qui accompagnent le patient. Ainsi, cette application permet au patient de comprendre sa pathologie et donc d'être acteur dans son parcours de soins. Mais il aura accès à ses données uniquement après une première consultation chez son médecin, lui permettant d'être guidé dans la lecture des données par un professionnel. Dans ce projet, c'est une véritable médiation humaine et numérique qui a été pensée.
Marie-Julie fait particulièrement attention à la dimension éthique dans son projet notamment à :
l'éthique individuelle ( qui questionne l'utilisation des données personnelles...),
l'éthique organisationnelle (Ethique sociale, les conditions des ateliers de co-création... )
l'éthique environnementale (le développement durable, le choix des matériaux, technologie moins coûteuse en énergie...)
Pour la suite du projet une étude clinique est envisagée après la mise en place d'un prototype fonctionnel de l'appli. Et le rêve de Marie-Julie pour la suite du projet serait que ce dispositif soit remboursé par la sécurité sociale !
Une maîtresse de conférence pas comme les autres:
Le parcours original de la chercheuse ainsi que son passage de la pratique au théorique, lui permet d'offrir à ses élèves un champ d'expertise varié. Marie-Julie apprécie particulièrement son poste d'enseignante, elle aime échanger avec ses étudiants et de ce partage naît un apprentissage mutuel. L'une de sa plus grande fierté, c'est lorsque ses étudiants se saisissent de la méthodologie qu'elle leur enseigne. Elle chérie les moments où avec, ses élèves, ils mènent des expérimentations utiles socialement. Pour elle, c'est avant tout une belle aventure humaine.
Ses conseils :
- Ne jamais réduire la complexité de l'humain ; ni le comportement des usagers, qui n'ont pas que des besoins. De même, le designer n'est pas qu'un animateur ou un médiateur. En tant qu'expert créatif, il développe ses propres méthodologies et expertises.
- Être curieux et s’intéresser à toutes les disciplines des sciences humaines.
- Toujours croire en ses projets : se projeter et garder sa motivation pour aller au bout de son idée, en vue de changer le monde.
Pour plus d'information sur le travail de Marie-Julie, je vous donne rendez-vous sur :
son portfolio : http://mjcb.me
le site web de sa recherche-projet Som'Health : https://projetsomhealth.org
ses publications et communications : https://cv.archives-ouvertes.fr/marie-julie-catoir-brisson