Martial Marquet
Architecte - Designer
"L’implication du plus grand nombre dans un projet devrait être plus libératoire qu’autre chose "
Son parcours
Architecte de formation, Martial Marquet obtient son diplôme à l’Ecole Spéciale d’Architecture (ESA) en 2009. C’est dans ce cadre qu’il effectue des stages et s’initie à des pratiques qui ont grandement orienté son parcours. Il touche par exemple au travail du bois, mais aussi au métal aux côtés d’un artisan serrurier-métallier. Martial développe donc sa passion pour le travail manuel et se forme à de nombreux outils. « J’aime apprendre en faisant » nous dit-il. C’est également avec l’ESA que Martial part en échange à la SCI Art de Los Angeles, une expérience qui confirme sa sensibilité pour l’international et son envie de se tenir au courant de ce qui s’y fait.
Martial réalise son stage de fin d’études chez Bernard Tschumi. Il travaille notamment sur le signal urbain, le rapport aux espaces et aux structures, à la construction, et à la signification des formes. C’est aussi là qu’il va rencontrer les fondateurs d’H2O Architectes, avec qui il va travailler pendant deux ans à la suite de son diplôme.
Intéressé par l’art et le design, Martial effectue un post-diplôme à l’ENSCI, en Création et Technologie Contemporaine. Ce qu’il apprécie dans le design, c’est la rapidité et la spontanéité des projets. Lors de cette formation, il s’intéresse aux espaces et aux dispositifs qui favorisent la transmission et le partage. Il y mène des recherches sur les espaces dédiés à l’art et à la question de la scénographie et de la muséographie, en collaboration avec des artistes. Son projet de post-diplôme, dessiné et réalisé en amont de son entrée à l’ENSCI, Rise Above, est lauréat du concours de design de la fondation Malongo. Cela lui permet d’explorer un premier projet de co-construction : il réalise ce projet in situ, avec les personnes présentes sur place, et commence à interroger le rapport entre constructeur et concepteur.
Projet vainqueur du concours de design de la fondation Malongo, il s'est concrétisé sous la forme d'échanges dans les pays producteurs de café, par la réalisation collective d'un objet. Situé dans des lieux choisis par les communautés locales, Rise Above offre des vues remarquables sur le paysage environnant. Deux structures ont été construites de façon permanente : la première au Laos, édifiée avec les planteurs de café du plateau des Bolovens. La seconde à Cuba, réalisée avec les planteurs locaux et les étudiants de l'école de charpente de l'office de conservation du patrimoine, sur le site d'une plantation de café datant du XIXème siècle dans les hauteurs de Santiago de Cuba. Réelle expérience humaine mais aussi expérience de design, ces objets identiques, sont laissés à la libre appropriation de chaque communauté (texte issu du portfolio de Martial Marquet : https://martialmarquet.com/RISE-ABOVE).
À sa sortie de l’ENSCI, Martial rejoint Didier Faustino, architecte et artiste, ils travaillent ensemble sur des sujets d’architecture, de scénographie et diverses installations.
Par la suite, il a l’occasion de travailler pour plusieurs architectes-muséographes comme Philippe Maffre et œuvre notamment à la mise en place de la muséographie du musée Soulages à Rodez. Il collabore également avec Adeline Rispal sur le pavillon français de l’Exposition Universelle de Milan.
Durant toute cette période, Martial travaille à temps partiel afin de consacrer du temps à ses projets individuels ou collectifs. Il crée son studio en 2015, qui prend la forme d’une SAS d’architecture en 2020, avec l’ambition de développer la maîtrise d'œuvre architecturale, en complément logique de la scénographie et du design.
Il consacre une partie de son temps à l’enseignement. D’abord assistant à l’atelier bois de l’ESA lorsqu’il est encore étudiant, il est aujourd’hui maître de conférences associé à l’ENSA Versailles, l’Ecole Nationale Supérieure d’Architecture de Versailles. L’enseignement lui permet de constamment remettre en question sa pratique. Il y développe aussi ce qu’il apprécie dans la scénographie d’exposition : les enjeux de pédagogie et de transmission par les objets et les espaces. Invité à faire partie du jury de l’Ecole d’Art et de Design de Valenciennes, il y candidate pour être enseignant, appréciant le positionnement de l’école, et devient responsable du master design-éco-social de 2016 à 2021.
Sa vision du design
Avec son studio, Martial tente de rendre les espaces publics, plus conviviaux et plus accessibles, mais aussi de transmettre les enjeux de la construction, de la ville et des espaces communs à des publics non spécialistes. Il souhaite réunir les volontés créatives, créer de la rencontre et du partage autour de désirs communs. Il crée des situations qui favorisent la rencontre à différentes strates : entre concepteurs et usagers, usagers entre eux, public et contenu, public et paysages, etc. Martial nous précise cependant que le but n’est pas de dire que tout le monde est capable de tout faire, mais qu’il est important d’avoir ces moments de partage, où l’on peut transmettre et tirer le maximum de ces temps de création en commun pour augmenter la valeur d’usage des projets. La posture de l’usager et celle du concepteur ne sont pas à opposer, ils peuvent travailler main dans la main. Se qualifiant lui-même « d'insatiable » et « d’hyperactif », Martial a ce besoin d’en savoir toujours plus, de découvrir de nouvelles choses, de faire de nouvelles rencontres… Une motivation personnelle qu’il souhaite proposer à d’autres au travers de ses projets.
Sa vision se cristallise concrètement grâce au projet The Builder Method http://www.buildermethod.org/, un projet européen financé par Erasmus+ mené en partenariat avec l’Ecole Supérieure du Bois de Nantes, la Société des Architectes Polonais SARP (Pologne), l’Université de Gyor (Hongrie), l’Université hongroise Sapientia de Transylvanie (Roumanie) et l’agence Hello Wood (Hongrie). Ensemble, ils développent des outils et protocoles pour partager leurs savoirs et expériences "dans la transmission par le faire” dans les domaines de la conception architecturale, du design et du paysage. Trois médias sont en cours de développement : un site internet, un manuel, et une « data map » répertoriant les bonnes pratiques et une sélection de projets existants, avec des données précises et activables.
Quelques projets
Dans le cadre d’un projet d’aménagement urbain près de la gare de Sevran-Livry (93), Martial a travaillé sur différents ateliers de co-conception de mobiliers, en concertation avec les habitants de la ville. Le projet s’est fait en partenariat avec l’Atelier Tel et la graphiste Amélie Lebleu du collectif Les Rad!cales., dans une logique éco-sociale. « L’idée était de faire quelque chose lié aux usages quotidiens et concrets des habitants. » Des typologies de mobiliers urbains ont été proposées, que les habitants ont pu ensuite choisir. Les trottoirs ont été « dilatés » pour laisser notamment plus de place aux commerces, en se basant sur les recommandations d’un public varié. Des roches de la région ont été utilisées comme support. Martial regrette néanmoins le manque de représentation « d’hommes jeunes », les usagers principaux de ces espaces. Une partie du projet a été pérennisée, le reste a été réutilisé.
« Les Poutrelles » sont une série de mobiliers conçue spécifiquement durant l’été 2021 pour le centre culturel « La Ferme du Buisson » (77), ces grands volumes en bois sont inspirés des charpentes massives de l’architecture si spécifique du lieu. Chaque objet de la série vient compléter un alphabet de forme dont l’on ne voit qu’un extrait. Ces poutrelles en bois grisé, équipées d’une paire de roues, composent une famille de formes disposées sur la pelouse, équivoques et pourtant toutes trouvent un usage, là une méridienne, ici un banc, ou encore une table, un totem porte des affichages, ou encore un parasol vient ponctuer l’assemblage tel un jeu de construction. Les roues permettent leur appropriation et le libre mouvement de ces objets hors normes dans l’espace de la ferme, telle une composition en constante évolution. Les « Les Poutrelles »se composent de deux sous-ensembles : d’une part les assises, tables et affichage et extérieurs du cinéma et d’autre part les chariots de la« ZAP »Zone À Partager du centre d’art contemporain. Pour la ZAP il s’agit de chariots qui se déploient à la demande pour accueillir petits et grands autour d’ateliers pratiques et récréatifs (texte issu du portfolio de Martial Marquet : https://martialmarquet.com/POUTRELLES).
Bureau idéal est une proposition formelle critique issue de la période du confinement du printemps 2020. Cette structure fait se rencontrer l'échange et l'isolement, le repos et le travail dans un même dispositif. Bureau idéal inscrit ces activités du quotidien dans une matérialité brute presque hors du temps, fruit d'une expérimentation en cours « dirty connections» sur les assemblages spontanés de matériaux, inspirés des techniques de moulage traditionnel. Le mélange composé principalement de plâtre et de fibres naturelles est appliqué sur des pièces de bois de récupération. Faisant fi de la finesse d’exécution, ce procédé permet de matérialiser une idée d'objet ou de mobilier de façon quasi-immédiate, inscrivant l'idée dans les quelques minutes du séchage du matériau (texte issu du portfolio de Martial Marquet : https://martialmarquet.com/BUREAU-IDEAL).
Ses projets d’avenir
Martial mène actuellement un doctorat par le projet à l’EUR HSCP (partenariat avec CY-Paris Cergy, l’ENSP Versailles, l’ENSA Versailles, l’ENSAPC Paris-Cergy et l’INP.). Cela lui permet de théoriser sa pratique, de la mettre en mots et en formes à travers des expérimentations concrètes, notamment dans le cadre de projets pédagogiques, à l’instar d’un workshop aux Beaux-Arts de Lyon en février dernier.
Un des enjeux pour Martial est de faire accepter la pratique hybride de son studio, dans un monde où l’identifiabilité à une discipline précise et mono-orientée est souvent la norme. À travers ce portrait, Martial souhaite partager son positionnement et continuer à rencontrer des personnes intéressées par sa pratique et vice-versa : l’appel est lancé !
Le mot de la fin
Aujourd’hui, beaucoup de choses se font de manière collaborative. S’il faut bien sûr faire confiance aux concepteurs, Martial affirme qu’il faut laisser la place à l’usager de s’exprimer, mais il faut le faire au bon moment et au bon endroit. Entre usagers, commanditaires et constructeurs, la création ne devrait pas être déconnectée ; ce qui est rarement synonyme de facilité, mais qui n’empêche pas l’inventivité et la production de formes qui interpellent.