Studio du coin
Alexandra Goinvic, Alicia Le Roux & Brendan Cornic
Studio de design itinérant porteur d’une démarche écologique et sociale au service des habitant.es.
“Notre positionnement : aborder le design en tant qu'accompagnateurs auprès des habitants et des usagers.”
Leur parcours
Rencontre et premiers projets professionnels
Alexandra, Alicia et Brendan se sont rencontrés à l’Ecole Supérieure Européenne d’Art de Bretagne située à Brest, tous les trois inscrits en master « Design de la Transition » dont ils sont sortis diplômés en 2019. Dès leurs études, ils se sont donc intéressés et engagés sur les questions écologiques et sociales.
À leur sortie de l’école, chacun a commencé à travailler de son côté : Alice a eu des expériences en graphisme avant de revenir à Brest en tant qu'indépendante et de rejoindre un collectif. Brendan a eu tout de suite l'opportunité de réaliser des projets en tant qu’indépendant, notamment dans la scénographie et l'aménagement. Il a également fait quelques résidences avant de rejoindre un studio local au sein duquel il a notamment travaillé sur le réemploi. Quant à Alexandra, elle a eu l’opportunité d’effectuer un service civique au sein d’« Ultra », une association qui partage des connaissances sur le design libre, avec un fort lien avec le public, une expérience très formatrice pour elle. Elle a aussi travaillé sur des projets en tant qu'indépendante.
La naissance du collectif
En colocation tous les trois, Alice, Brendan et Alexandra ont traversé le confinement ensemble. Comme pour beaucoup, cette période a soulevé chez eux de nombreuses questions, en plus de sonner l'arrêt de leurs projets. Les doutes sur la possibilité de pouvoir exercer leur métier ont grandi, leur rapport au métier et leur vision du rôle du designer ont été remis en question... Ils ont donc commencé à réfléchir à comment mettre en place une pratique commune, en prenant davantage en compte les enjeux sociaux et environnementaux qui leur tenaient à cœur.
Ils décident alors de prendre les choses en main et de créer leur propre résidence au sein de la maison des parents de Brendan, agriculteurs, en 2021. Ils commencent à créer avec ce qu’ils trouvent sur place, et à rendre des services aux habitants du territoire pour qui ils ont, par exemple, fabriqué un salon de jardin avec des matériaux de récupération. Ce projet a débuté sur une semaine, puis s'est prolongé sur trois, puis une dizaine... « C’était une période formidable » commente Brendan.
Cette expérience leur confirme leur désir de travailler ensemble.
En 2022, ils décident ensuite d’ouvrir leur studio. Ils se font accompagner par un incubateur de l'ESS, le Tag 29 à Brest, qui les conseille sur de nombreux aspects : structure juridique, comptabilité, communication, etc. Ils y rédigent un « business plan social », qui marque la naissance officielle de leur studio
Ils ont également la chance d’y rencontrer d'autres porteurs de projets dans le domaine de l'ESS ; pas seulement des designers, mais aussi des entrepreneurs impliqués dans des initiatives telles que la récupération de matériaux, les technologies douces, la livraison à vélo, etc., au même stade d’avancée de leur projet.
Leur design
Aménager le territoire, pour et avec les habitants, en privilégiant le réemploi
Leur positionnement : aborder le design en tant qu'accompagnateurs auprès des habitants et des usagers.
Dans leur pratique, la première étape est l’immersion. Ils prennent un temps pour comprendre les lieux et les habitants, sans pour autant aborder avec eux les problématiques existantes ou les solutions possibles. Ils observent ce qui existe déjà et travaillent avec les ressources disponibles sur un territoire, aussi bien les matériaux que les compétences humaines.
Ils mettent ensuite en place des temps de conception participatifs, via des ateliers. En parallèle, ils procèdent à une collecte auprès des particuliers, des entreprises et des municipalités, afin de voir quels matériaux peuvent être mobilisés à l'échelle du projet. Ils mettent un point d’honneur à limiter les distances de transport pour favoriser le réemploi à l'échelle locale. Ils organisent ensuite des chantiers ouverts à tous, devenus de vrais moments de transmission et d'interaction, permettant de parler du projet et du territoire d'une autre manière.
Si la période n'était pas évidente, marquée par des tensions et des inquiétudes liées au COVID, ils réalisent que ces moments sont appréciés, festifs. Leurs projets ont un impact sur le lien social dans le territoire. C’est un bénéfice supplémentaire, soulignant la dimension sociale et environnementale de leur démarche.
Premières sollicitations
Suite à leurs premières expérimentations professionnelles, ils ont ensuite été sollicités pour des commandes spécifiques, comme la réalisation de scénographies pour des événements, impliquant du réemploi et des ateliers avec différents publics.
C’est le cas du Secours Catholique qui les a contactés suite à leur passage à l’incubateur Tag 29. L’association était sensible à leur démarche et à leur manière d’envisager l’aménagement des espaces. Ils ont travaillé ensemble sur l’aménagement d’un café associatif, en menant des immersions, au moyen d’enquêtes actives et passives, interrogeant les usagers d’un café et les bénévoles qui y travaillaient. Ils ont passé deux semaines à recueillir des témoignages au café, à vivre dans l'espace, à discuter avec les personnes dans le besoin et les bénévoles qui avaient chacun leur histoire, leurs inquiétudes, et parfois la crainte que tout soit changé.
Ils ont réalisé, à cette occasion, qu'il y avait beaucoup de médiation et de facilitation à faire, que ce soit sur les matériaux, les formes ou les usages... Ils ont dû les rassurer et les impliquer dans la démarche. Ils ont d’ailleurs collaboré avec des sociologues et d'autres professionnels spécialisés dans la facilitation.
Ils ont également réalisé avec les habitants des fresques et des vitraux pour l'extérieur.Tous les ateliers ont été pensés afin que les participants puissent se rendre compte du travail réalisé et des idées proposées grâce à des livrables clairs (ex : documents techniques).
Ils ont travaillé sur l’aménagement de ce café pendant cinq mois. Ils ont pu fabriquer le mobilier et réaliser les fresques cette année. C'était aussi un moment d'apprentissage, qui a mis en avant l'écart entre leurs idéaux et la réalité, nécessitant un besoin de s’adapter et de trouver des solutions.
Cet été, ils ont organisé le « Tour du Coin », un tour des communes rurales du Nord du Finistère afin de présenter leur méthode et services. Ils ont testé, à cette occasion, un format d'enquêtes courtes pour comprendre les besoins des habitants. L'enquête de terrain a été financée par la région, pour un travail avec quatre communes. Ils ont conçu pour cette occasion deux ateliers :
l'un avec une carte sensible du centre-bourg pour associer les émotions aux différents espaces de la commune, avec des cartons colorés pour y écrire son témoignage
l’autre avec des cartes postales en noir et blanc, proposant aux habitants d’y dessiner avec des crayons de couleur un futur désirable, notamment via les aménagements qu'ils aimeraient y voir avec des questions sur la couleur dans l'espace public, les enjeux climatiques et la biodiversité. Pour ces ateliers, ils ont stratégiquement choisi les emplacements en collaboration avec les mairies, et ont recueilli environ 300 témoignages. Ils ont également organisé des sorties d'école, etc. Certaines communes leur ont apporté un soutien en communication, sur les réseaux sociaux et dans la presse locale.
Ils ont organisé des temps de restitutions pour deux communes à destination des équipes municipales, ce qui leur a permis de confirmer l’utilité de leur démarche auprès des communes et des habitants. Ils ont néanmoins observé que les communes partantes pour le projet, étaient, en général, déjà acculturées à ces pratiques, tandis que d'autres voyaient plutôt cela comme une programmation culturelle. Dans tous les cas, le rôle du designer mérite toujours d’être expliqué car souvent mal compris.
Ils ont également réalisé un important travail de synthèse, sous forme d'édition papier. Cette édition sera distribuée dans les communes visitées lors du Tour du Coin. Elle sera également disponible numériquement, sous licence libre sur leur site.
Ils réfléchissent maintenant à une deuxième édition, selon le temps dont ils disposeront.
La recyclerie
Pour le Tour du Coin, ils ont construit eux-mêmes leur stand itinérant. Celui-ci comprenait tout le matériel pour les ateliers ainsi que des assises et un espace de convivialité qu'ils pouvaient plier et ranger dans le fourgon, 100% réalisé à partir de matériaux recyclés.
Ils travaillent régulièrement avec une recyclerie avec qui ils partagent des bureaux.
Pour eux, l'objectif du réemploi n’est pas d'effacer l'histoire des matériaux, mais de la valoriser en l’intégrant totalement dans leur construction, en conservant par exemple diverses textures, couleurs, et en assumant la diversité d’aspect.
Objectifs pour 2024 et perspectives
Pour cette année 2024, Alexandra, Brendan et Alice veulent avant tout continuer sur leur lancée et consolider leur pratique.
En termes d'actualités et de prochains projets, ils devraient travailler dans un QPV de la ville de Brest. Avec la réserve des matériaux, ils envisagent de réfléchir à de nouvelles pistes d'application. Ils réfléchissent notamment à faire des objets.
D’autres rencontres devraient venir enrichir leurs projets...
Des conseils pour les futurs designers
Aux jeunes designers, Alexandra, Brendan et Alice conseillent de travailler en collectif, pour aller plus loin et se répartir les tâches, sans pour autant se limiter à des cases. Néanmoins, ils admettent qu’il faut parfois accepter de ne pas tout faire à trois pour aller plus vite.
Un autre conseil serait de ne pas hésiter à se faire accompagner, dans leur cas par un incubateur. Les réponses qu’ils y ont trouvées, aussi bien sur les questions administratives que juridiques, économiques ou sur la communication ont été vraiment bénéfiques. L'incubateur a particulièrement fait la différence pour eux, et ils y ont également trouvé des partenaires. Aussi, ils affirment que les rencontres avec les porteurs de projets qui ne sont pas du même domaine sont également très enrichissantes.